L’histoire retiendra que l’accession d’Edouard Herriot au siège de maire de Lyon ressemble un peu à celle de Georges Képénékian.
En 1905, l’édile Jean-Victor Augagneur accepte de démissionner pour devenir gouverneur de Madagascar, un poste stratégique et convoité. Et comme Gérard Collomb en partance pour le ministère de l’Intérieur en 2017, il désigne son successeur qui sera élu non pas par les Lyonnais, mais par le conseil municipal en place.
Augagneur choisit Herriot car il ne représente pas une menace à ses yeux : il fallait un homme docile, prêt à rendre l’écharpe de maire à son propriétaire originel. Edouard Herriot avait deux défauts majeurs, selon son prédécesseur : il n’était pas Lyonnais mais Troyen, et était universitaire plutôt qu’avocat ou médecin, les professions faiseuses de maire à l’époque.
Ce que Victor Augagneur avait mal estimé, c’était surtout sa propre impopularité grandissante. Il rêvait d’intégrer à Lyon les communes de Villeurbanne, Bron, Vaulx-en-Velin, Caluire, et beaucoup savaient que c’était un coup politique personnel pour attirer de nouveaux électeurs de gauche et assurer sa réélection. Il avait aussi comme projet de faire fermer la basilique de Fourvière, car il était un anticlérical
acharné. Enfin, il avait poussé son premier adjoint à la démission après l’avoir traité d’idiot en plein conseil municipal. Ce qui avait plutôt refroidi ses relations avec le reste des élus.
En poste, Edouard Herriot a fait preuve rapidement de malice en poursuivant les politiques de Victor Augagneur, tout en adoptant un comportement plus rond et, donc, plus rassembleur. « Il va vite comprendre que les Lyonnais sont des gens modérés et que le maire de Lyon doit être un fédérateur », évoquait l’historien Bruno Benoît pour LyonMag.
Membre du Parti Radical qui avait fait voter en 1905 la loi de séparation de l’État et de l’Église, il avait pourtant renoué le contact entre la Ville de Lyon et le diocèse. On le présente justement comme un laïcard acharné, qui refusait de participer au Voeu des Echevins le 8 septembre. L’histoire est un peu plus subtile : durant l’Occupation, les maires de Lyon participaient activement à la cérémonie en remettant l’écu d’or de la Ville à l’archevêque. À la Libération, Herriot ne voulait pas faire comme Vichy et trouva un compromis en accord avec l’Église en envoyant un adjoint à sa place.
« Maire et père à tous »
Edouard Herriot était « un bon vivant qui adorait manger, fumer et qui aimait beaucoup les femmes, bref un séducteur ». Les Lyonnais disaient qu’il était « notre maire et notre père à tous ». En pleine ascension d’Adolf Hitler en Allemagne, le surnom de « Fühmeur » lui a même été donné tant il ne passait pas un instant sans sa pipe.
Au rayon de ses réalisations notables, il a fondé la Foire de Lyon en 1916. L’architecte Tony Garnier rénovait à sa demande la rive gauche du Rhône et notamment Gerland avec la création des abattoirs et du stade.
Herriot prit aussi la décision de faire détruire l’hôpital de la Charité et l’hôpital militaire de la Presqu’île pour éviter que les épidémies ne se propagent en centre-ville. À la place, il fait construire Desgenettes et Grange-Blanche, ce dernier portant aujourd’hui son nom. Tony Garnier propose alors un hôpital réparti sous la forme de pavillons. Une révolution dans la santé de l’époque !
Herriot fera aussi construire de nombreux logements sociaux dans les années 20 à la Croix-Rousse et à Montchat. Il a aussi confié à Tony-Garnier la construction du quartier des États-Unis, dans le 8e arrondissement.
Rayon culture, malgré son impressionnante appétence pour la chose, c’est morne plaine. Le musée Gadagne verra tout de même le jour sous l’impulsion de ce littéraire dans l’âme. Enseignant de formation, il va préférer mettre le paquet sur le développement de l’éducation avec la construction des lycées du Parc et Saint-Just, de trente groupes scolaires, de dix écoles maternelles, de douze crèches et d’un orphelinat.
Enfin, si vous pouvez boire de l’eau potable aujourd’hui à Lyon, c’est parce qu’Edouard Herriot a initié le réseau d’eau et son assainissement.
Dépassé par la modernité
Un échec cuisant de son premier règne quasi sans-faute ? La candidature de Lyon pour les Jeux Olympiques 1924, Paris lui ayant été préférée. Sa stature d’homme d’État acquise progressivement, jusqu’à être membre de l’Académie française et surtout président du Conseil – l’équivalent du Premier ministre actuel – entre 1947 et 1954, lui permet d’être réélu facilement. Notamment parce que peu de monde osait se présenter contre lui à Lyon !
Il est pourtant amené à être absent la semaine, car retenu à Paris. Mais le week-end, il se montre et fait preuve d’efficacité : balade avec madame Herriot sur les quais du Rhône, participation aux événements populaires et mêmes des conseils municipaux calés les samedis et dimanches pour le plus grand « bonheur » de ses adjoints…
Sa deuxième partie de mandat, après la Seconde Guerre mondiale, fut plus calme. Son seul grand projet fut la réalisation du tunnel de la Croix-Rousse en 1952. L’âge n’aidant pas, il préféra s’attarder
sur l’assainissement des finances de la Ville. Ce qui profitera à son successeur et ses grands plans pour Lyon.
Bruno Benoît note d’ailleurs qu’Edouard Herriot est dépassé par la modernité : « La mécanique, la chimie, le textile et les industries pharmaceutiques dominent toujours l’économie. De plus, les immeubles avec leurs façades non ravalées donnent à Lyon une image de ville sombre. Et puis, la ville commence à connaître des problèmes de circulation avec le développement de la voiture ».
Même si la capitale des Gaules ronronne davantage à sa mort, Edouard Herriot restait immensément populaire. Plus de 50 000 personnes se retrouvent place Bellecour pour lui rendre hommage le jour de ses funérailles. Le 30 mars 1957 fut même férié à Lyon, sur proposition d’Auguste Pinton qui assura l’intérim jusqu’à l’élection de Louis Pradel
Verdict
Puisqu’il ne reste plus grand monde de vivant à avoir connu la première salve de mandats d’Edouard Herriot, et que sa longévité épatante de 46 années passées à l’Hôtel de Ville de Lyon marque par son caractère unique et record, il est aisé de le proclamer comme étant le plus grand maire de l’histoire. Il a fait entrer efficacement la capitale des Gaules dans le nouveau siècle avant de la faire ronronner, voire accuser du retard. Une stratégie finalement efficace pour laisser la « jeunesse » prendre le relais avec des moyens conséquents.
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