COMPTE-RENDU D’AUDIENCE – Une peine d’un an de prison avec sursis, assorti de cinq ans d’inéligibilité et d’une amende de 20.000 euros a été requise à l’égard du sénateur marseillais Reconquête!.
Le Figaro Marseille
«Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?» À la barre du tribunal correctionnel de Marseille, Thomas Ravier semble perplexe. Vêtu d’un jogging, celui qui fête cette année ses trente ans répond sommairement aux questions de l’assesseur. Comment et pourquoi a-t-il été embauché aux services des espaces verts de la mairie des 13e et 14e arrondissements de Marseille, à partir d’août 2015 ? N’y aurait-il pas un lien avec le nom du maire FN de l’époque, Stéphane Ravier, élu un an plus tôt, et qui n’est autre que son père ? «Ça faisait trois ans que j’étais au chômage, lance-t-il. Je cherchais du travail. C’était la seule chance qui me restait. J’ai déposé mon CV. On m’a rappelé pour faire un entretien avec mon chef d’équipe. Et voilà.»
Pourtant, comme le fait remarquer Adrien Fauchier-Delavigne, il n’y avait aucune fiche de poste publiée pour intégrer, comme il a réussi à le faire, la brigade d’intervention de proximité, une création de son père pour nettoyer l’espace public et ramasser les déchets. «Je savais que la ville embauchait, répète Thomas Ravier. On m’a dit que la ville embauchait.» «Est-ce que votre père vous a dit de postuler à la ville ?» «Non, jamais», martèle Thomas Ravier. «Franchement, avec mon père, on ne se voit pas beaucoup. Et on ne s’appelle pas beaucoup. Mon père n’était pas souvent à la maison.» «Était-ce un hasard d’être embauché dans la mairie de secteur de votre père ?» Thomas Ravier hausse les épaules.
La question est au cœur des accusations envers le sénateur, poursuivi pour prise illégale d’intérêt, et son fils pour recel de prise illégale d’intérêt. Le parlementaire est accusé d’être intervenu en faveur de son fils pour que ce dernier décroche un emploi au sein de la mairie de secteur dont il était le dirigeant. L’ancien directeur de cabinet de Jean-Claude Gaudin se souvient même d’une conversation à ce sujet avec Stéphane Ravier.
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Un entretien avec le directeur de cabinet
Aux côtés de Thomas Ravier, Stéphane Ravier, vêtu d’un impeccable costume bleu clair, est aussi prolixe que son fils est laconique. «J’ai demandé au directeur de cabinet quelle était la procédure pour postuler, pas pour l’embaucher». Stéphane Ravier claque des mains. «Mon intervention s’arrête là, si on peut parler d’intervention.» «Pourquoi, dans ce cas-là, aller voir le directeur de cabinet et pas les RH ?, s’indigne le procureur Mathieu Vernaudon. Pensez-vous que tout le monde qui veut un emploi à la mairie a accès au directeur de cabinet du maire ? »
«Les autres cherchent peut-être sur Internet», souffle Stéphane Ravier, qui se dit aujourd’hui victime d’une «volonté de vengeance» des anciens collaborateurs qui l’accablent dans cette enquête. «Si ma démarche avait été pour embaucher mon fils, je crois que j’aurais pris rendez-vous pour que cela se fasse dans le secret de son bureau.» Et d’insister : «J’étais maire. Je n’étais pas DRH !»
Pourtant, au moment de la révélation de l’affaire par le site Marsactu, Stéphane Ravier avait reconnu avoir «embauché son fils», indiquant même qu’il aurait pu, s’il avait voulu faire du favoritisme, le choisir comme assistant parlementaire pour une rémunération bien plus avantageuse. «C’est une bravade», estime Stéphane Ravier. «Je conteste mes propos, si vous voulez.»
« Que devais-je faire ?, s’interroge le parlementaire. Je ne pouvais pas imposer cette embauche, tout comme je n’étais pas en mesure de la refuser. Ou alors, c’était appliquer à mon fils la double peine, ayant déjà subi dès son jeune âge l’engagement de son père. Pourquoi dois-je être un obstacle à cette embauche? Alors, j’en prends le risque politique.»
Selon lui, l’opacité derrière le recrutement de Thomas Ravier n’a rien de suspect. «Ces anomalies ne concernent pas seulement Thomas, estime Stéphane Ravier. C’est malheureux, mais c’est presque une tradition à la ville de Marseille. Le fonctionnement en matière de recrutement est critiquable et critiqué officiellement. Il concerne Thomas comme il a concerné d’autres avant lui et après lui. Il en saurait être tenu pour responsable, et j’en saurais être tenu pour responsable. »
Les Ravier chargent Gaudin
Et, au bout de la chaîne, père et fils s’accordent sur un seul responsable justement. «Mon contrat d’embauche a été signé par Jean-Claude Gaudin, comme tous les contrats», martèle Thomas Ravier. La mairie centrale est en effet bien l’autorité compétente pour valider les embauches après avoir été sollicitée par les mairies de secteurs sur ce sujet.
Après avoir été renouvelé en CDD une dizaine de fois, Thomas Ravier a été au final titularisé au sein de la mairie des 13e et 14e arrondissements par Jean-Claude Gaudin au début de l’année 2020, soit quelques mois avant les municipales et la fin du dernier mandat de l’ancien président du Sénat. «Personne n’a, au nom de je ne sais quelle immunité, pris la peine de faire entendre Jean-Claude Gaudin dont le nom résonne à tous les coins de cette procédure», s’étonne l’avocat du sénateur, Me Julien Pinelli.
«Et il n’est pas question d’un emploi fictif, au cours duquel mon client aurait perçu une rémunération sans rien faire, en jouant au foot ou sirotant des apéritifs sur la plage, souligne l’avocat de Thomas Ravier, Me Philippe Payan. Mon client depuis tout ce temps travaille.»
«Tous les citoyens doivent être égaux et traités de manière égale, tempête Mathieu Vernaudon. Je rajouterai que tous les citoyens doivent respecter la loi, à commencer par ceux qui la font. Le dossier permet d’établir que Stéphane Ravier a mis en jeu son poids politique auprès du cabinet du maire de Marseille et a utilisé ses fonctions de maire de secteur pour mobiliser ses équipes, dans le seul but de faire recruter son fils Thomas Ravier et voir le contrat de son fils être renouvelé. Ces éléments sont de nature à alimenter un sentiment de défiance envers les institutions, et notamment envers les élus.»
«Le jugement doit conduire à exprimer que non, il n’y a absolument rien de normal d’obtenir un emploi public par le biais d’un emploi privé», martèle le procureur de la République. Une peine d’un an de prison avec sursis a été requise à l’encontre de Stéphane Ravier, assortie d’une inéligibilité de cinq ans et d’une amende de 20.000 euros. Le procureur a requis envers le fils du parlementaire huit mois de prison avec sursis, une amende de 10.000 euros et également cinq ans d’inéligibilité. La décision a été mise en délibéré au 29 mai.
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