À Marseille, comme à Paris et Lyon, le maire est élu au suffrage universel indirect. Les habitants votent par secteurs et les conseillers d’arrondissements élus votent pour le maire de la ville. La réforme de la loi PLM souhaitée par des députés Renaissance pourrait changer la donne aux prochaines élections de 2026.
Mettre un point final à l’élection des maires de Paris, Lyon et Marseille au suffrage indirect : tel est l’objectif des députés Renaissance Benjamin Haddad et Sylvain Maillard. Les parlementaires travaillent à une proposition de loi pour modifier le mode de scrutin dans ces trois villes « et le rendre plus direct et démocratique ».
Le groupe Renaissance à l’Assemblée nationale compte présenter un texte d’ici décembre 2023, avant de le faire voter au Parlement l’année prochaine. Si elle était adoptée avant les prochaines élections municipales, cette loi pourrait favoriser à la fois le parti présidentiel et Les Républicains dans leurs courses à la mairie de Paris en 2026, mais aussi changer la donne dans la deuxième ville de France.
Stratégies politiques
Depuis 1982, la loi PLM (acronyme de Paris, Lyon, Marseille) établie par Gaston Defferre, alors maire de Marseille et ministre de l’Intérieur, a permis à plusieurs reprises à des maires de prendre le contrôle de l’exécutif municipal sans être majoritaires en voix. Les électeurs votent, en effet, pour une liste de conseillers par secteur [8 à Marseille, chacun composé de deux arrondissements] pour enlever un maximum de bastions électoraux. Conseillers (au nombre de 101 à Marseille) qui désignent ensuite le maire à la mairie centrale à l’issue d’un second tour.
Largement décrié depuis sa mise en place, pour beaucoup d’observateurs, ce système de vote complique le jeu électoral et influe sur les stratégies des candidats. Pour exemple, la loi PLM a contribué à sauver Gaston Defferre en grand péril à Marseille, lui permettant de retrouver son fauteuil de maire en 1983, bien que minoritaire en voix. La droite avait d’ailleurs protesté avant de l’adapter à ses propres besoins, en ajoutant deux nouveaux secteurs, et de faire élire Jean-Claude Gaudin, resté maire durant 25 ans.
Plus proche de nous, les élections municipales de 2020. Au soir du deuxième tour, personne n’a atteint la majorité absolue. Les conseillers se sont retrouvés dans l’hémicycle pour voter à bulletin secret lors d’un troisième tour le 4 juillet 2020.
Avec 13 000 bulletins d’avance sur sa rivale Martine Vassal (LR), représentée par Guy Teissier, Michèle Rubirola, cheffe de file du Printemps marseillais, a dû s’allier avec Samia Ghali (divers gauche) pour être élue maire.
Par ailleurs, si les listes de Martine Vassal (LR) et Yvon Berland (LREM) ne s’étaient pas maintenues toutes les deux, le 4e secteur (6e et 8e arrondissements) n’aurait sans doute pas basculé à gauche. Et l’ensemble de la cité phocéenne non plus.
Une question de légitimité
À Paris, si Rachida Dati, candidate LR en 2020 et probablement en 2026, soutient l’abrogation de la loi PLM, le camp de la maire de la capitale, Anne Hidalgo (PS), est vent debout contre cette proposition.
Considérée comme une « anomalie démocratique », la réforme de la loi PLM figurait dans le programme du Printemps marseillais. En trois ans de mandat, Benoît Payan (DVG), élu maire après la démission de Michèle Rubirola, n’a pas changé d’avis. « Il est tout à fait légitime que les trois plus grandes villes de France entrent dans le droit commun », dit-il dans une récente interview au Figaro. Il n’y pas de raison qu’il en soit autrement. Quant aux maires d’arrondissements, on pourrait tout à fait organiser leur élection le même jour en parallèle ». Dans les faits, il pourrait y avoir deux urnes et deux bulletins : l’un pour la mairie de secteur ou d’arrondissement, l’autre pour la mairie centrale.
Le débat sur la loi Paris-Lyon-Marseille se subdivise en deux sujets : la loi électorale et la loi de l’organisation des compétences de la mairie centrale et des maires d’arrondissements. Pour Lionel Royer-Perreaut, député Renaissance des Bouches-du-Rhône, « on doit en profiter pour a minima faire en sorte que les maires d’arrondissements de Lyon et Marseille aient les mêmes pouvoirs et les mêmes compétences que les maires d’arrondissement de Paris, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Par exemple, ils gèrent les écoles », nous confiait-il récemment dans le cadre d’un long entretien, ajoutant : « Je suis totalement contre l’idée de supprimer les mairies d’arrondissement ».
Martine Vassal et Renaud Muselier sur la réserve
Ancienne candidate (LR) défaite dans un fief (6e et 8e), pourtant promis à la droite lors des dernières municipales, Martine Vassal estime pour sa part que les « Marseillais ont d’autres attentes que des tripatouillages. Je respecterai toujours les règles en vigueur » nous confie-t-elle.
La présidente (DVD) de la Métropole Aix-Marseille-Provence et du Département des Bouches-du-Rhône met en garde. « Attention néanmoins à vouloir changer les choses et aux conséquences qu’elles entraînent en termes de représentativité et de légitimité. Ce n’est pas toujours aussi simple que cela puisse paraître ».
Martine Vassal reste également très attachée à l’échelon de proximité. « La ville de Marseille compte 860 000 habitants. On a besoin des mairies de secteur. La ville est beaucoup trop grande pour avoir un seul pouvoir central sur les compétences de proximité », précise-t-elle, soulignant avoir déjà proposé au maire de Marseille de donner plus de pouvoirs aux mairies de secteurs.
Le président de Région, Renaud Muselier (Renaissance) se questionne également sur l’objectif de cette réforme. « Est-ce qu’il y aura une loi identique pour tous, trois lois différentes ? » interrogeait-il, il y a quelques semaines, prêt à apporter son expertise sur la question. D’autant que Renaud Muselier émet lui aussi des réserves, car les trois villes concernées ont évolué de manière différente.
Pour lui, une décision pour Paris aurait un autre impact pour Marseille. « J’ai une grande expérience de parlementaire et j’ai remarqué que tous ceux qui touchaient au mode de fonctionnement électoral étaient battus ».
David Amiel a été chargé par Sylvain Maillard de piloter les travaux autour de la réécriture de la loi PLM. Le texte qui sera déposé devrait comprendre différentes options. Sur sa base, un processus de consultation sera lancé avec les élus des trois villes concernées et les différentes forces politiques.
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