« Le maire de Lyon est pour moi une énigme. » Arrivée en janvier, la nouvelle préfète, Fabienne Buccio, n’a pas tardé à s’écharper avec Grégory Doucet. Si elle loue « des contacts courtois et constructifs », la principale pierre d’achoppement reste le développement de la vidéosurveillance. « Je ne comprends pas pourquoi il ne comprend pas, explique-t-elle. Les communes voisines – Vénissieux, Bron, Vaulx-en-Velin… – quelle que soit leur étiquette politique, ont investi dans un dispositif et s’en réjouissent. »
Opposants farouches à la vidéosurveillance tant qu’ils étaient menés par Étienne Tête, les écologistes lyonnais avaient manifestement conscience de la nécessité d’une clarification de leur doctrine sur ce sujet après leur victoire en 2020. La clarification a pris la forme d’un long et difficile aggiornamento. Avant de se prononcer, le maire de Lyon a souhaité disposer d’un audit mais, ne parvenant pas à trouver un cabinet indépendant pour le faire, il l’a finalement commandé à son inspectrice générale des services, Évelyne Gauchard. Il aura fallu trois ans pour conclure que le dispositif lyonnais était satisfaisant et qu’aucune étude ne permettait de démontrer l’efficacité des caméras de vidéoprotection en milieu ouvert. Grégory Doucet a cependant annoncé qu’il augmenterait légèrement le nombre de caméras à Lyon et redéploierait les caméras actuellement sous-utilisées.
« Actionner le joystick ». « Je conteste fortement cet audit réalisé en interne et qui ne fait que dire ce que disait déjà le maire. Je n’ai rien appris », fulmine la préfète, particulièrement remontée contre le refus de la mairie de Lyon de transférer le contrôle des caméras à la police nationale. « La mairie nous envoie déjà les images. Ce que l’on souhaite, c’est pouvoir actionner le joystick quand on en a besoin », précise un collaborateur. « Nous respectons strictement le cadre légal. Le maire est le seul responsable de l’utilisation des caméras », répond l’adjoint à la sécurité, Mohamed Chihi. « Absolument pas, c’est faux. Toutes les autres communes nous passent d’ailleurs la main quand on le leur demande », réplique la préfète, qui ajoute que cela ne concernerait que « quelques événements par an ». « Nous respectons les choix du législateur », balaie Mohamed Chihi, selon qui « il n’a pas été démontré qu’un autre fonctionnement serait plus efficace. Au contraire, l’audit a conclu que la coopération entre nos agents et ceux de l’État était fluide ».
Depuis le début de la mandature écologiste, le sujet de la vidéosurveillance est comme le sparadrap du capitaine Haddock : il revient chaque fois que la sécurité s’invite dans le débat public. Dans ce domaine, l’après-Covid a été difficile, avec une forte reprise de la délinquance. « Ce qui a produit des résultats, c’est l’arrivée de renforts sur le terrain », assure Mohamed Chihi, qui se félicite d’avoir « augmenté de 30 % les recrutements » et souhaite « créer une vraie police de proximité ». Lyon peut ainsi compter désormais sur 296 agents et souhaite en avoir 365 d’ici à la fin du mandat de Grégory Doucet, une gageure alors que le secteur peine à recruter.
Terrain. « Ce qui est efficace en matière de sécurité, c’est l’humain. On ne peut pas en dire autant des caméras : à un moment, toute l’attention était portée sur la place Gabriel-Péri à la Guillotière, l’un des sites les plus équipés en vidéosurveillance », argumente Mohamed Chihi. Après l’agression, en juillet 2022, de trois policiers qui venaient d’appréhender un voleur à l’arraché, la préfecture et la ville se sont entendues pour assurer sur la place une présence policière permanente, ce qui a permis de faire descendre la pression sans pour autant y faire cesser tous les trafics.
« On voit davantage de policiers à vélo ou à cheval, sur le terrain, ce n’est pas mal », concède la conseillère municipale d’opposition Béatrice de Montille (LR), qui a présidé une mission d’information et d’évaluation sur la sécurité. Et d’ajouter : « On pourrait faire mieux si les relations avec la préfecture étaient plus fluides. »« Nous avons des débats, mais nos relations ne sont pas compliquées. Sur le terrain, on coopère au quotidien », tempère Mohamed Chihi. La préfète en convient et se félicite des résultats enregistrés en 2022 et 2023. « On ne s’attribue les résultats de personne, mais on ne peut pas dire que la police municipale n’y est pour rien », affirme Mohamed Chihi. Parmi les succès, la lutte contre les rodéos urbains, phénomène qui avait pollué le début de mandat des écologistes. « Ça n’a pas été un sujet cet été », se félicite Fabienne Buccio, qui loue l’efficacité des visites préventives des caves et le recours aux drones pour « suivre sans danger » les auteurs.
S’inspirer du Sytral. Reste que la polémique n’est jamais loin. Dernière en date, vendredi 30 juin, lors des émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel, à Nanterre. La préfète avait requis l’aide de la police municipale pour sécuriser les commerces déjà dégradés. « J’ai appelé le maire deux fois pour le supplier, il m’a répondu que ce n’était pas le rôle de la police municipale », dit-elle. Le lendemain, l’édile a reproché au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, les effectifs insuffisants déployés pour protéger sa ville, s’attirant les foudres de ce dernier. « La séquence n’a pas été bonne pour nous », reconnaît un proche du maire, qui loue par ailleurs l’implication de Grégory Doucet. « Être maire de Lyon, c’est être en lien direct avec la mort, les drames, les alertes… Forcément, il a changé. Comme il nous dit souvent, on apprend », ajoute-t-il.
Côté métropole, le président, Bruno Bernard, chargé de la sécurité dans les transports en commun, semble mieux s’en sortir en matière de coopération… « Elle est remarquable. Je ne vais pas dire que c’est ce qui se fait de mieux en France pour ne pas faire de jaloux, mais elle est plutôt exemplaire, explique la préfète. On est même parvenus à restituer son téléphone à une femme qui se l’était fait voler dans le métro : les agents du Sytral avaient repéré le voleur grâce aux caméras. » Pour l’opposition, le président de la métropole serait plus pragmatique que le maire. « Bruno Bernard est bien plus efficace que Grégory Doucet sur ces questions. Il n’est pas pieds et poings liés par des élus Insoumis », juge le député Alexandre Vincendet (LR), convaincu qu’« une métropole comme celle du Grand Lyon pourrait faire beaucoup plus, en créant une vraie police des transports ».
Pour sa part, Bruno Bernard fuit la polémique. « On a tout intérêt à travailler ensemble et à ne pas en faire un enjeu électoral, ce que la droite fait depuis des années et qui profite surtout au RN », explique-t-il. Selon lui, le ministre de l’Intérieur ferait bien de s’inspirer du Sytral, dont la stratégie a été primée au Forum européen pour la sécurité urbaine. « J’ai équipé de caméras piétons nos contrôleurs, parce que cela les sécurise et que les contrôles se passent mieux. On sait que ça marche, ce serait bien que d’autres forces de l’ordre les utilisent », note le président de la métropole. La bataille autour de la sécurité n’est décidément pas terminée §
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