Bonjour », lance sobrement le jeune Premier ministre d’une voix posée, presque gêné d’interrompre la cérémonie des vœux du conseil municipal d’Orliénas. Le 5e adjoint ne s’est pas tout de suite rendu compte que le jeune homme élégant qui venait de faire une arrivée aussi discrète que possible était Gabriel Attal. « Pour ceux que ça intéresse, on parlera voirie tout à l’heure autour du buffet », finit-il par s’interrompre tandis qu’Attal s’assoit au premier rang. « Il fait encore plus jeune qu’à la télé », glisse Mario, retraité venu avec d’autres anciens à la rencontre de ce Premier ministre qui pourrait être son petit-fils.
Pour sa journée d’échanges avec les Français, Gabriel Attal n’a pas choisi un territoire hostile. Une cité paisible de 1 000 habitants en périphérie lyonnaise, 5 % de chômage, exemplaire dans la gestion écologique de l’eau et des déchets, Orliénas accueille une population de cadres, d’employés de la classe moyenne supérieure et de retraités. L’absence de diversité parmi les 300 personnes présentes est singulière. « Il n’a pas choisi d’aller dans les villes plus reculées des coteaux lyonnais où ça vote RN », glisse Sarah, jeune trentenaire qui travaille dans une clinique privée.
Le Premier ministre affiche une ligne très « sarkozyste »
Il n’empêche, la plupart des habitants présents saluent la venue d’un Premier ministre ; Gabriel Attal cultive en retour l’art de la simplicité et rappelle qu’il est lui aussi élu municipal depuis dix ans. « Je suis un des vôtres », s’adresse-t-il aux maires présents. Un style qui tranche avec l’arrogance souvent reprochée à la macronie ou la distance froide d’une Élisabeth Borne jugée techno. « As de la com’ », lui reprochent certains de ses pairs pour souligner son manque de coffre. À voir… En attendant, le Premier ministre affiche une ligne très « sarkozyste ».
Tout le monde ici a été marqué par l’interdiction de l’abaya et le retour du redoublement, « à l’ancienne ». C’est sur ces marqueurs un brin réacs que le Premier ministre entre dans la fonction. Avant même de décliner les thèmes qui constitueront l’architecture du discours de politique générale qu’il est venu rôder ici, Attal évoque l’« identité française ». « Notre objectif est commun : la défense de nos valeurs dans un monde qui évolue », poursuit-il. Là est le grand défi que se fixe le Premier ministre. Pour y parvenir : « Il faut soutenir la France qui travaille, celle qui fait tourner le pays et qui finance un système social qui pousse certains à ne pas travailler. C’est une réalité ! » L’opposition de deux France, l’une méritante l’autre fainéante, antienne chère à la droite de 2007.
Gabriel Attal confirme au passage qu’il va rouvrir le dossier de l’assurance chômage pour en durcir les règles. Travail et exigence ! Et cela commence par l’école. « Oui, il faut rétablir le redoublement, il vaut mieux réussir au collège en cinq ans qu’aller à l’échec en quatre, c’est du bon sens ! », martèle l’ex-ministre de l’Éducation. Enfin pour compléter le triptyque, la sécurité. Création de brigades de gendarmerie, rétablissement de l’autorité : « La République, ce sont des droits et des devoirs ! », encore un slogan décliné par Nicolas Sarkozy en 2007.
L’écologie est rapidement évoquée, mais pour rassurer tout le monde, et en particulier les agriculteurs qui grondent : « Il ne s’agit pas de brutaliser tout le monde en empilant les taxes ! » Ça ne va pas aussi loin que « l’écologie, ça commence à bien faire » – encore une phrase de Nicolas Sarkozy président –, mais ça résonne pareil à l’oreille. Puis, comme il avait commencé, Gabriel Attal convoque à nouveau le sentiment national. « Le sursaut s’incarnera cette année dans de grands événements : le 80e anniversaire du débarquement, la réouverture de Notre-Dame, cinq ans seulement après l’incendie qui nous a traumatisés ! Symbole de notre histoire, de notre culture ! » Applaudissements nourris, et plongée dans la foule pour des échanges plus directs et une volée de selfies.
« C’est bien d’aller au contact direct des gens [… ] maintenant il faut passer aux actes ! »
Mario et Gilles, les retraités, sont plutôt satisfaits. « C’est bien d’aller au contact direct des gens, et puis l’exigence, le travail, ça nous parle ! Mais maintenant il faut passer aux actes ! » Les jeunes actifs sont plus sceptiques : « Il répète ce que dit Macron, on ne voit pas bien ce que ça va changer », glisse Cyprien. « J’ai voté Macron en 2017 et en 2022, mais je ne le referai pas, lâche Sophie, ingénieure de 32 ans, venue avec son petit Eliott qui s’essaie à la radio avec les journalistes. Cette année, je me suis fait casser ou dégrader ma voiture trois fois ! L’insécurité, c’est le sujet qui monte », dénonce-t-elle.
Gabriel Attal repart, direction Saint-Laurent d’Agny, autre localité tranquille, 3 000 habitants, pour une confrontation façon « grand débat » avec des élus et des habitants. Gabriel Attal est à l’aise, souriant, l’exercice parfaitement maîtrisé. Et le constat alarmant. Nombre de petits maires, coincés entre normes environnementales et obligation de construire des logements sociaux, sont à bout. Celui de Saint-Symphorien-d’Ozon vient d’être mis à l’amende par la préfète qu’il interpelle devant le Premier ministre : « 700 000 euros d’amende sur trois ans ! Je veux bien faire du logement social, mais je n’ai plus la main sur les permis de construire ! » On sent l’émotion de cet élu qui se sent « blessé », après « trente ans d’engagement au conseil municipal de cette ville où il est né, et où il travaille au service des autres ».
Le maire de Givors, commune où la moitié de la population vit dans des quartiers prioritaires, s’inquiète de la mise en œuvre de la loi immigration : « On va couper des aides à des étrangers en situation régulière en grande difficulté, la pauvreté va encore s’accroître, dites-moi ce que je dois faire ? » À cette question précise, Gabriel Attal ne répond pas. Pénurie de médecins, manque de prise en charge d’adolescents fragilisés par le covid, artisans qui croulent sous les factures d’énergie… Même dans ce coin de France qui ne semble pas connaître la grande pauvreté, les attentes et les exaspérations s’accumulent.
Gabriel Attal a pris des notes et promet de s’en inspirer pour son discours de politique générale devant les députés. Sur le quai de la gare de Lyon-Part-Dieu, le Premier ministre explique avoir trouvé ce qu’il était venu chercher. « D’habitude les chefs de gouvernement rencontrent les Français, les acteurs sociaux et politiques après leur discours de politique générale qu’ils préparent avec leurs conseillers. Moi je fais l’inverse. » Lundi, il a rendez-vous avec la FNSEA pour parler agriculture ; se nourrir des colères peut servir à prendre les bonnes décisions.
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