Une nouvelle page de l’histoire du château de La Barben, le plus vieux de Provence, est en train de s’écrire. Un récit dont se serait bien passé Vianney D’Alençon, son propriétaire, qui en a fait un parc à thème s’inspirant de l’histoire de la région. Difficile en effet de scénariser la bataille juridique à laquelle se livre la mairie, soutenue par un collectif d’opposants, et la direction du parc « Rocher Mistral », installé à une vingtaine de kilomètres d’Aix-en-Provence. Une bataille de robes (d’avocats) et d’arrêtés (municipaux) plus que de cape et d’épée qui se déroule depuis le lancement du projet, voilà un peu plus de deux ans maintenant.
D’arrêtés municipaux en recours au tribunal administratif, de plainte de France Nature Environnement en ripostes juridique du « Rocher Mistral » pour abus de pouvoir, l’histoire de ce parc à thème, lancé avec un budget de 30 millions d’euros et financé à hauteur de 6 millions d’euros par la région et le département, s’écrit d’abord en langage administratif.
Dernier croisement de fer en date, le défèrement par le préfet au tribunal administratif des trois sursis à statuer prononcés par le maire de La Barben sur les trois permis d’aménager déposés par la société Rocher Mistral. « Ces aménagements concernent »le marché provençal », le parking et des préfabriqués dans lequel nous avons nos bureaux temporaires », explique Frédérique de Lanouvelle, le directeur adjoint du parc. Des sursis à statuer que Franck Santos, le maire de La Barben avait souhaité prendre étant donné que le marché, situé sur un pré en bordure de Touloubre, rivière qui borde le château, se trouve en zone inondable. « Cela aurait pu repousser les autorisations de deux ans », souffle le directeur adjoint, qui dénonce « le combat d’un maire contre le Rocher Mistral ».
Aménagement sans permis, nuisances nocturnes
Côté mairie, on se range derrière des règlements d’urbanisme. « Je fais mon boulot. Il y a des manquements à l’urbanisme, il y a des manquements à la sécurité », indique Franck Santos, élu maire en 2020 de ce village de 800 habitants. Il prend en exemple un rapport de la sous-commission sécurité du 28 avril dernier qui livre un avis défavorable à l’exploitation de l’établissement en raison « d’un non-fonctionnement des blocs autonomes d’éclairage de sécurité, d’une issue de secours verrouillée, d’une absence de support électrique et d’un manque de dépôt d’autorisation pour l’une de leurs salles de spectacle », précise le document. « Des points que nous avons tous corrigés depuis », réagit la direction du parc qui attend désormais un nouveau contrôle inopiné.
Ces récentes passes d’armes ne sont que les derniers épisodes de confrontations par avocats interposés débutée dès le début du projet. En octobre 2021, la municipalité avait déjà pris un arrêté fermant partiellement le site. Le « Rocher Mistral » avait également été assigné par France Nature Environnement pour deux aménagements réalisés sans permis et des voisins dénonçant les nuisances sonores des spectacles nocturnes. Ces deux requêtes avaient été déboutées par le tribunal.
Le « temps de l’entrepreneur n’est pas celui de l’administration »
Dans cette bataille de boules puantes, les attaques se font également plus personnelles. Le « Rocher Mistral » a par exemple assigné Franck Santos au tribunal administratif pour une histoire de clôture et de portail de la propriété du maire qui mordait sur le terrain d’un voisin que le parc loue. « Une clôture construite en 2006… On s’était mis d’accord à l’époque à l’oral avec les voisins pour éviter d’abattre des arbres », s’agace le maire. Pour le parc, cela constitue l’illustration d’un maire qui se veut « à cheval sur des règles qu’il ne s’applique pas à lui-même ». Ladite clôture a été déplacée.
Un exemple de plus d’un dialogue qui ne semble plus possible entre les deux parties, ce que, paradoxalement, tous paraissent regretter. « Je les avais prévenus au début du projet qu’ils devraient prendre leur temps, et que le temps qu’ils ne prendraient pas, ils le perdraient après. Ils avancent à marche forcée, et trébuchent régulièrement. Je pensais que nous allions réfléchir ensemble, mais la discussion n’est plus possible », considère Franck Santos, qui évoque une « situation difficile à vivre ». « Au lancement, nous avions prévu une réunion par semaine avec le conseil municipal, mais ils ont arrêté de venir », regrette Frédéric de Lanouvelle, conscient qu’ils aient pu avancer un peu vite, arguant que le « temps de l’entrepreneur n’est pas celui de l’administration ». Cette légèreté leur vaut de comparaître le 16 novembre prochain devant le tribunal d’Aix-en-Provence.
In fine, difficile d’apprécier ce triste spectacle de robes et d’arrêtés, où, si tous obtiennent à tour de rôle de menues victoires, personne n’en sort gagnant. En attendant le parc tourne, bon gré mal gré, et a accueilli 250.000 visiteurs en un peu plus de deux saisons.
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