Autrefois proches du Rhône et de la Saône, les Lyonnais et les Lyonnaises s’en sont éloignés au fil du temps, notamment en raison de leurs humeurs. Suite aux crues de 1840 et 1853 marquées par des inondations catastrophiques, les autorités publiques ont décidé de « surélever les quais et de réaménager complètement le Rhône » pour tenter de réduire l’impact de ces phénomènes, explique Raphaël Michaud, adjoint à la ville de Lyon délégué à la ville durable, bas carbone et désirable lors de la présentation du projet Rive droite, en juillet dernier. La porte ouverte à de futurs changements qui, au gré des évolutions, ont contribué à couper petit à petit ce lien qui unissait les habitants à leur fleuve.
Mais depuis quelques années, la ville se transforme et semble prête à se tourner à nouveau vers le Rhône et la Saône. En témoignent les divers programmes et plans qui visent à repenser les usages sur ces cours d’eau : le Plan Saône Rhône, établi en 2021 ou encore le Schéma des Usages des Rives fluviales (Surf) validé en 2023.
« Les fleuves sont des éléments structurants de l’histoire et de l’identité de Lyon. Nous souhaitons les réintégrer pleinement dans la vie quotidienne des habitants. Notre objectif, c’est la santé des Lyonnais et des Lyonnaises. Et cela passe par l’adaptation au dérèglement climatique, et par un accès beaucoup plus facile aux cours d’eau » , confirme le maire de Lyon, EELV, Grégory Doucet.
Qui poursuit : « Notre objectif est de redessiner une véritable culture du fleuve à Lyon. Nous voulons que les fleuves deviennent des éléments du quotidien des Lyonnais, des lieux où l’on se promène, où l’on se détend, où l’on découvre la nature et la culture ».
Ce, grâce à une multitude de pistes et d’actions comme le festival Entre Rhône et Saône lancé en 2022, une navette de transport fluvial quotidienne dès 2025, la transformation de la Rive droite du Rhône ou encore le renforcement des activités de loisirs. Pensée pour tous et toutes -entreprises, habitants, touristes- cette réappropriation du Rhône et de la Saône est en réalité une triple reconquête : celle de la biodiversité, celle des habitants et celle des entreprises via le transport fluvial.
Les berges, lieu de convivialité et corridor écologique
Une volonté qui s’appuie sur une vision plus large visant à repenser la ville pour offrir davantage d’espace aux piétons et aux modes de transport doux. Avec, comme exemple phare : la réhabilitation de la rive droite du Rhône, presque 20 ans après la transformation des berges du Rhône (rive gauche) dont l’inauguration a eu lieu en 2007. Un projet emblématique porté par Gérard Collomb, maire de Lyon de 2001 à 2017 puis de 2018 à 2020 (PS devenu Renaissance) qui se veut un succès, les Lyonnais étant nombreux à s’y promener, y faire du sport, déjeuner ou simplement s’y déplacer.
Une réappropriation réussie qui a donné envie aux élus de la métropole et de la ville de Lyon de porter un autre projet sur la rive opposée.
Initié dès 2021, celui-ci vise à rénover et transformer la rive droite du Rhône sur une langue de 2,5 kilomètres de Lyon et un périmètre allant du tunnel de la Croix-Rousse (pont de Lattre de Tassigny) à Perrache (pont Gallieni), pour en faire une promenade-jardin. Un espace au cœur de la ville, aux abords de la Presqu’île dont le cœur est classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Cette réhabilitation s’appuiera sur deux jambes : la création d’un corridor écologique afin de ramener de la fraîcheur dans un cœur de ville très exposé à la chaleur, et la création d’espaces dédiés aux piétons et aux modes doux. Ainsi, 53% de la surface sera réservé à ces derniers avec le passage de quatre Voies Lyonnaises et la simplification des transports en commun.
Au total, cette transformation se traduira par la création de quatre grandes terrasses près de l’eau pour bénéficier de l’effet climatiseur du Rhône, de neuf belvédères et de l’ouverture des bas-port (Wilson et Lafayette) avec des usages libres. L’idée étant de rapporter cet esprit « promenade » sur les quais en créant des espaces de sociabilisation et d’observation.
Les aménagements piétons devraient également permettre l’émergence de nouvelles pratiques commerciales avec l’installation de 17.800 m2 de terrasses réglementées. Ces nouvelles activités seront réfléchies en lien avec les commerces à l’intérieur de la Presqu’île, détaille la métropole de Lyon sur son site.
« Au total, cette opération s’élèvera à 90 millions d’euros, sur la totalité du linéaire comprenant tout le travaux et études compris. Avec une première tranche de travaux pour un tiers du budget, soit 30 millions d’euros » qui débutera très prochainement, révèle Béatrice Vessiller, 2è vice-présidente de la métropole déléguée à l’urbanisme.
Une reconquête de la biodiversité
Ce projet de réhabilitation de la Rive droite du Rhône est également un projet de renaturation et de végétalisation. Ce qui manque sans doute aux berges du Rhône (rive gauche).
« Lorsqu’on discute avec les concepteurs aujourd’hui, ils nous disent qu’à l’époque ils ne sont pas allés assez loin sur les côtés renaturation et végétalisation, car ils avaient peur que les crues arrachent les arbres », détaille Pierre Athanaze, vice-président de la métropole de Lyon délégué à l’aménagement du fleuve et à la biodiversité.
En ce sens, le projet Rive droite a pleinement intégré cette dimension. Ainsi, à l’horizon 2030, plus de 1.200 arbres seront plantés, «la végétation sera densifiée sur trois hectares, ce qui permettra d’avoir de l’ombre et de la fraîcheur 7 heures plus tôt », se réjouit Béatrice Vessiller.
Cette nature s’implantera à des degrés différents en fonction des lieux et des espaces. Avec des espaces très « naturels » sans présence humaine et d’autres où la cohabitation sera de rigueur, détaillent Bertrand Vignal et Pierre Athanaze.
Ainsi, une ripisylve alluviale sera implantée sur 8.500 m2 sur le Rhône. Celle-ci désigne les formations végétales qui se développent sur les bords des cours d’eau ou des plans d’eau situés dans la zone frontière entre l’eau et la terre (écotones). Son objectif est de favoriser la reconquête des bords de la rive droite par la faune et la flore locales.
Cette végétalisation et renaturation ne s’applique pas à seulement à ce projet, mais s’étend à d’autres sites, en amont et en aval du Rhône et de la Saône, explique l’élu de la métropole.
« Nous travaillons avec la CNR sur la renaturation du Rhône aval sur Feyzin, Irigny et Vernaison», cite-t-il comme exemple. Avec une première grosse opération menée au début des années 2000.
La prochaine étape de ce projet vise à recréer une lône – bras secondaire du Rhône colmaté par action naturelle ou suite à la construction d’un barrage, et normalement alimenté en eau par infiltration depuis la nappe alluviale ou directement par le fleuve en période de crue- et ainsi reconnecter l’étang de Guinet au Rhône.
Toujours en cours, ce travail a déjà permis aux habitants de se réapproprier les lieux, assure Pierre Athanaze, via des sentiers de randonnées très parcourus dans un milieu assez sauvage. Ce, grâce au travail du SMIRIL (Syndicat Mixte du Rhône des Iles et Lônes) qui a actualisé les outils d’informations du site pour y intégrer davantage les enjeux climatiques et de biodiversité.
D’autres opérations de ce type sont en cours, comme à Jonage où doit être recréée une lône afin de redynamiser une forêt alluviale desséchée.
L’objectif étant, à travers divers projets comme ceux-ci, de retrouver une fonctionnalité du fleuve qui avait disparu avec les tous premiers aménagements du Rhône et lui redonner une fonctionnalité qui va s’approcher de celle qu’il avait auparavant, résume Pierre Athanaze.
Multiplier les activités de loisir sur la Saône et le Rhône
Tous ces projets s’accompagnent d’une autre ambition : retrouver des activités sur la Saône et le Rhône. Car aujourd’hui le « fleuve Rhône est vide, à part les bateaux de croisière », dresse comme constat Laurence Berne, directrice de cabinet du maire de Lyon. Une réalité qui s’explique par différents facteurs dont son puissant débit et ses aménagements. Une vingtaine de barrages ont été construits sur ce cours d’eau qui prend sa source dans un glacier suisse.
À l’inverse, la Saône est actuellement bien plus utilisée, analyse Pierre Athanaze. Plusieurs centres nautiques y sont déjà implantés comme à Confluence, à Irigny, la Mulatière ou encore Givors. Des activités connues, mais parfois peu visibles, qui sont mises en avant à l’occasion du Festival Entre Rhône et Saône. Lancé en 2022 par la mairie de Lyon, ce festival vise justement « à retrouver de manière ludique et impliquante le rapport à l’eau en allant sur l’eau et en découvrant une panoplie d’activités, ce qui pousse les participants à regarder à nouveau l’eau » , résume Laurence Berne.
Et celui-ci se solde déjà par un succès, poursuit Grégory Doucet, avec 50.000 visiteurs en moyenne pour les éditions 2023 et 2024. « Cela montre l’intérêt croissant des habitants pour cet événement et pour les activités autour de leur patrimoine commun : nos cours d’eau. »
Le Schéma des Usages des Rives fluviales (Surf) élaboré l’an dernier par les collectivités, souligne également une volonté de dynamiser les activités de loisir et le transport fluvial. Avec différents espaces déjà identifiés.
La métropole de Lyon souhaite ainsi créer une ZAC entre Albigny Albigny-sur-Saône et Couzon-au-Mont-d’Or sur le site de La Loupe. En plus de construire un nouveau quartier en bord de Saône et de mener des opérations de renaturation, l’ambition est également de développer un pôle de loisirs et d’expérience fluviale en Val de Saône.
Tout l’enjeu est aujourd’hui de réussir à concilier les demandes et les besoins des clubs :
« Il faudrait qu’on arrive à mettre en place une scène d’échange commune avec tout l’écosystème du sport et des loisirs autour du fleuve plaide Thomas Momber, responsable du service territorial sur le périmètre de la métropole de Lyon (Rhône et Saône) des Voies navigables de France (VNF). Car il y a beaucoup de clubs qui cohabitent et qui ne se parlent pas. Or, cela pourrait nous aider à mieux identifier les besoins et les attentes de chacun », notamment en matière de développement de nouveaux sites.
Permettre la baignade
L’autre grand sujet, ramené sur le devant de la scène par les JO 2024 de Paris, est la baignade, actuellement interdite sur le Rhône.
« La baignade dans le Rhône est un projet passionnant et très attendu de la population, qui nécessite néanmoins du temps », plaide Grégory Doucet qui devait initier une première tentative le 30 juin dernier, lors du dernier festival Entre Rhône Saône. Mais les conditions climatiques n’ont pas rendu possible l’événement en raison d’un débit jugé trop puissant. L’élu se veut néanmoins optimiste et insiste sur les bons résultats des analyses qui permettent d’envisager ce nouvel usage. Reste à savoir à quelle échéance, car les contraintes restent nombreuses.
Il faut gérer la surveillance de la qualité de l’eau, mais aussi les infrastructures pour assurer la sécurité de la baignade. Plusieurs options sont sur la table : la création de sols ou la mise en place de filets, par exemple.
« Il y a aura des jours de baignade autorisés, d’autres où elle ne le sera pas », confirme par ailleurs Pierre Athanaze qui souligne l’avantage de penser ces initiatives à l’échelle métropolitaine :
« L’intérêt d’avoir une métropole, c’est de pouvoir faire quelque chose de global, financièrement et techniquement, sans chercher à avoir sur sa commune de la baignade, mais de regarder tout le linéaire. Nous avons identifié plusieurs endroits, une présentation sera faite au maire à la rentrée ».
Si le coût de ce type d’opération n’est pas encore connu, le maire de Lyon ne cache pas que des investissements significatifs seront nécessaires pour les équipements, les infrastructures et le renforcement de la sécurité des sites.
Mais le projet paraît d’autant plus essentiel qu’il existe peu de piscines à Lyon proportionnellement au nombre d’habitants et que des Lyonnais s’y baignent déjà, sans espaces sécurisés à disposition. Sans compter le réchauffement climatique qui pousse aussi la métropole et la ville à s’adapter et développer des solutions pour combattre de futurs épisodes caniculaires.
Une navette fluviale s’ajoute au réseau de transport en commun lyonnais
Présentée en juin dernier, la mise en place de navettes fluviales (Navigône) débutera elle aussi en 2025. Opéré par RATP Dev et les Yatchs de Lyon, ce service permettra de rejoindre Confluence à partir de Vaise en passant par la Presqu’île avec quatre haltes programmées actuellement dont deux terminus.
Ce trajet sera effectué par deux navettes dès juin 2025 avec un passage à l’électrique à l’automne suivant et à quatre navettes en 2026. Ainsi, 70 à 90 passagers pourront effectuer ce trajet qui sera inclus dans les abonnements TCL, avec un départ prévu toutes les 15 minutes à 20 minutes en heure de pointe. « Et il ne s’agit là que d’un début », explique Pierre Athanaze qui souffle qu’un projet similaire est à l’étude sur le Rhône.
Avec le développement de cette activité en plus du tourisme fluvial, il conviendra de clarifier l’usage de certains quais, de créer des ports d’attaches ainsi que des haltes lisibles et d’améliorer les services à terre, avec l’idée par exemple d’un pôle d’accueil et de billetterie sur le quai Saint Antoine. « Car aujourd’hui, ce n’est pas clair. Il y a un manque de visibilité » , concède Thomas Momber.
Quant aux bateaux de croisière, l’objectif est d’en conserver autant qu’aujourd’hui, mais pas davantage. En les aidant à réduire leur impact énergétique.
Faire cohabiter les usages avec le transport fluvial de fret
La densification et le développement de ces nouveaux usages vont nécessiter des arbitrages. D’autant plus que la métropole et la ville souhaitent fortement pousser le transport logistique fluvial sur le Rhône et la Saône. Une vision également partagée par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, qui annonçait lors de la présentation du plan Grand Marseille vouloir renforcer le développement de l’axe portuaire et logistique Méditerranée-Rhône-Saône (MeRS).
Un projet ambitieux qui se réfléchit dès aujourd’hui, surtout dans le cadre du développement d’autres activités sur le Rhône et la Saône.
« Pour le moment, la stratégie consiste à identifier des lieux qui seraient dédiés à certaines activités et à en identifier et sécuriser d’autres qui possèdent des caractéristiques intéressantes pour de la livraison par le fleuve. Ce, même si le flux n’existe pas encore », développe Thomas Momber.
Une stratégie également soutenue par la CNR, VNF et Medlink qui travaillent activement sur le sujet. Plusieurs acteurs assurent déjà le développement de cette activité : Urban Logistic Solutions (ULS), le groupe Sogestran Logistics avec le Zulu 5 et depuis peu, Ecofluv avec son bateau Evoli. Et l’arrivée de l’hôtel logistique urbain (HLU) pourrait aussi encourager ce mode de développement.
Concernant la cohabitation des activités, Thomas Momber admet qu’il faudra faire preuve de flexibilité : Il faut accepter qu’il y aura peut-être une petite zone qui sera inaccessible au public 3 à 5 heures par jour, le temps de faire des opérations de déchargement. Mais pour le moment, rien n’est encore fermement décidé.
Dans ce domaine, beaucoup de choses restent à dessiner en coopération avec les autorités locales et les acteurs concernés même si la volonté politique semble déjà présente.
La finalité de lestropheesdesmairesdurhone.fr est de débattre de Rhone en toute authenticité en vous donnant la visibilité de tout ce qui est en lien avec ce thème sur le net Ce texte est reconstitué aussi exactement que possible. Si vous projetez d’apporter quelques modifications sur le thème « Rhone », vous avez la possibilité de d’échanger avec notre journaliste responsable. Ce dossier autour du sujet « Rhone » a été trié en ligne par les spécialistes de la rédaction de lestropheesdesmairesdurhone.fr En consultant de manière régulière notre blog vous serez informé des futures parutions.