Le banc de sable, dont on parle tant depuis quelques années n’est pourtant pas une nouveauté au Grau ?

En effet, il existait déjà dans les années 60 avant que la Mission racine imagine de creuser Port-Camargue, le plus grand port de plaisance d’Europe. On le voit très bien sur cette photo en noir et blanc des années 60. On voit de vastes bancs de sable s’enrouler en dessinant des circonvolutions de sable et d’eau. Ce site côtier était alors un vaste espace naturel qu’on surnommait Les launes.

C’était un beau terrain de jeu pour les Graulens et les visiteurs qui venaient y pêcher couteaux, palourdes, soles… Ces sédiments sableux sont charriés par le Rhône depuis les Alpes. Transportés par le courant ligure d’est en ouest, ces bancs sableux menaçaient de fermer la baie d’Aigues-Mortes et le port de pêche. Une lagune était en train de se créer. La main de l’Homme a dû alors intervenir en créant une longue digue rocheuse qui atteindra au fil du temps plus de 700 m de long. C’est à l’abri de cette digue que s’est créée le port.

Et ça a marché…

Ça a marché pendant 60 ans avec le stockage d’une quantité colossale de sédiments sableux à l’ouest de la digue, abondé de 350 000 m3 par an. Mais aujourd’hui la nature reprend ses droits et le banc de sable a débordé la digue. Un immense banc sableux se reconstitue et c’est à nouveau une véritable menace pour la baie d’Aigues-Mortes, pour le port de plaisance et le port de pêche qui sont des piliers de l’économie locale et de l’attractivité de notre territoire. La plage sud reprend un aspect lagunaire, le chenal est ensablé…

Quelles solutions avez-vous pour lutter contre ça ?

Actuellement une grande étude sur l’évolution du trait de côte est en cours sur commande du Symadrem (dans le cadre de la loi climat et résilience) pour se projeter à 2040 et 2100 en fonction du réchauffement climatique et de la hausse du niveau de la mer annoncée. Des préconisations et des opérations en découleront. Il va de soi qu’on ne laissera pas les ports se fermer. Des prélèvements de sable pourront puiser dans cet énorme stock pour recharger des secteurs touchés par l’érosion. L’hypothèse d’une nouvelle digue plus à l’est devra être étudiée.

Mais vous ne souhaitez pas pour autant la disparition complète de ce banc de sable ?

J’ai évolué dans ma vision des choses. Le fait est que ce site est devenu un spot très prisé : par les plaisanciers (on peut y dénombrer jusqu’à 100 bateaux en pleine saison) ; pour les sports de glisse, pour les baigneurs qui y ont accès par la plage de l’Espiguette et on voit un développement des activités commerciales.

Mais il y a une surfréquentation à vos yeux ?

Oui, il faut prendre en compte les risques de pollution, de conflits d’usage, les risques de navigation, des échouages fréquents mobilisent la SNSM. Une réglementation et un cadre strict existent déjà (zone des 300 m, vitesse, accostage, beachage…) sous le contrôle des brigades nautiques de la gendarmerie nationale et de la police municipale. Il s’agit donc de trouver un juste équilibre.

Quels sont les moyens pour y parvenir ?

Un projet de ZMEL (zone de mouillage et d’équipements légers) va être mis à l’étude. Il faut rappeler que la flèche sableuse de l’Espiguette fait l’objet d’un suivi régulier dans le cadre du site Natura 2000 en mer et que de nombreuses observations sont réalisées par l’Institut marin du Seaquarium. Ces fonds sableux détiennent une biodiversité marine qui mérite d’être protégée avec entre autres, une colonie d’hippocampes significative et une plante classée : la zoostère.