EXCLUSIF. Le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet est jusqu’ici resté plutôt silencieux à l’égard de Jean-Michel Aulas, ex-patron de l’OL candidat à sa succession pour le siège du premier magistrat de la ville.
Dans une interview exclusive accordée à actu Lyon, Grégory Doucet s’étend davantage sur l’homme qui apparaît comme son principal adversaire lors des prochaines élections municipales de mars 2026. S’il affirme qu’il n’est pas encore en campagne, il entre dans le jeu politique face à son adversaire n°1. Il tend aussi la main à Georges Képénékian et assure qu’il n’y a pas de discussions avec LFI.
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L’appel d’un Premier ministre de gauche
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Grégory Doucet : Il y a trois scénarios possibles : la démission du président, qui dans un climat d’instabilité déjà avéré ne serait pas une bonne option. La deuxième est celle de la dissolution, ça a déjà été tenté et n’a pas permis de clarifier.
Le troisième scénario possible est celui de la cohabitation. Je fais partie de ceux qui réclament depuis un certain temps que ce scénario soit choisi, avec un Premier ministre issu de la gauche et de l’écologie, qui propose un gouvernement. On en a besoin. En tant que maire, j’ai besoin d’interlocuteur : je veux mettre en place l’encadrement du prix des loyers des commerces, à qui je m’adresse ?
Comment une gauche au pouvoir peut prétendre à produire un budget sans censure ?
GD : Constituer un gouvernement avec un Premier ministre issu de la gauche et de l’écologie serait d’abord un premier signal envoyé : « On va enfin gouverner différemment. » Des consensus se dégagent, il faut reprendre le sujet de la réforme des retraites, une mesure prise dans une certaine précipitation, mal ficelée, sur laquelle Élisabeth Borne elle-même semble déjà avoir des regrets.
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Pas d’union de la gauche à Lyon : quel avenir ?
À propos de la gauche, des divisions apparaissent de nouveau tant au niveau national qu’à Lyon. En vue de 2026, avec quelle majorité souhaitez-vous gouverner en vue d’un deuxième mandat ?
GD : La majorité actuelle ici à Lyon est plurielle, et se distingue des postures des partis dans le théâtre parisien. J’ai des représentants communistes, des socialistes, Place Publique, le mouvement l’Après, et des Insoumis… On est sur une large pluralité d’opinions. Ma responsabilité en tant que maire, c’est de gouverner en m’appuyant sur cette coalition, ce n’est pas de me soumettre à un tel ou une telle. C’est de prendre le temps d’écouter tout le monde, y compris l’opposition. Je dois faire en sorte que cette majorité continue d’être cohésive et cohérente. Et quand il s’agit de trancher, c’est mon rôle.
Mon souhait est de pouvoir rester en 2026 sur une pluralité d’opinions la plus large possible, car c’est ce qui permet de refléter le plus fidèlement possible la diversité des orientations des Lyonnaises et des Lyonnais. Je suis élu sur la base d’un programme et d’ambitions que nous avons présentés en 2020.
« Il n’y a pas de discussion aujourd’hui avec LFI »

LFI va lancer une liste dans les prochains jours. Vous le regrettez ? Vous appelez toujours à l’union au premier et au second tour avec ce parti ?
GD : Je ne décide pas à la place des uns ou des autres. Si LFI a fait ce choix, j’en prends acte. Ce qui m’importe, c’est de pouvoir rassembler le plus de Lyonnais. Bien sûr que les partis ont un rôle à jouer dans les élections, mais il faut regarder au-delà. Une ville, c’est aussi écouter la société civile, les représentants associatifs, les citoyennes et citoyens que je rencontre énormément et dont chaque avis compte.
Il n’y a pas de discussion aujourd’hui avec LFI. Et je continue de rassembler l’arc politique dans lequel je m’inscris : c’est Place publique, le PS, Voie commune, la famille écologiste au sens large… L’Après, Debout, Ensemble, GRS, Générations… Autant de partis avec lesquels nous gouvernons aujourd’hui.
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« Je suis garant d’un collectif »
À gauche, avec qui allez-vous faire campagne au 1ᵉʳ tour ? Le parti Place Publique vous rejoint, le PS appelle à l’union, mais c’est tout ; pouvez-vous battre l’union du centre et de la droite sans LFI ?
GD : Ce qui m’importe, c’est le chemin qu’on trace, c’est la clarté du projet politique. Aujourd’hui, je suis maire. Dans ce climat d’instabilité et de déficit de visibilité sur demain, avec ce que l’on connaît au niveau national, c’est important que les Lyonnais sachent que je reste maire jusqu’au bout.
Le départ de Nathalie Perrin-Gilbert a mis en lumière des fractures internes dans votre exécutif. Comment entendez-vous reconstruire une majorité stable lors de votre prochain mandat ?
GD : Regardez la solidité actuelle de notre majorité à la Ville. Que certains mouvements aient pu connaître des fragilités internes, que ce soit le fait d’individus ou de désaccords, c’est la vie. Mais aujourd’hui, quand vous regardez ce qui se passe dans une séance au conseil municipal, vous avez une majorité compacte, cohésive et solidaire. Il y a pu avoir des gens qui prennent une autre voie, mais moi, je suis garant d’un collectif. C’est déléguer, donner la parole… J’écoute, et mon boulot, c’est de trouver des solutions.
Quand les intérêts individuels vont à l’encontre des intérêts collectifs, mon travail est de dire non.
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« Je me retrouve très largement » : main tendue à Georges Képénékian
Vous tendez la main à Georges Képénékian qui fait cavalier seul à ce stade ?
GD : Quand j’entends ses propositions, qui donnent la priorité à des questions que je juge aussi prioritaires : la santé, la sécurité, la transition écologique… De fait, sur les thèmes et les ambitions qu’il porte, je me retrouve très largement. On est globalement d’accord. Il parle de méthode, qu’il veut différente. Je n’ai pas entendu très clairement quelle était cette différence qu’il appelle de ses vœux.
J’ai parfois entendu dire qu’il fallait faire plus de concertations, mais on a sur l’essentiel des sujets réalisés des concertations bien au-delà du règlement. C’est ma majorité qui a créé, en plus des conseils de quartier existants, les conseils des enfants, des adolescents, des séniors… On a fait en sorte de donner la parole, on fait cet exercice d’écoute.
Il n’y a pas de discussions en cours avec George Képénékian.
Pourtant, ce centre gauche, qui est aussi incarné par David Kimelfeld, est prêt à soutenir Bruno Bernard à la Métropole de Lyon. Mais pas vous à la Ville…
GD : Sachant qu’il fait partie du même groupe à la Ville, Georges Képénékian aurait mal pris que David Kimelfeld m’annonce un soutien, c’est dans l’ordre des choses. En revanche, il a une position très claire, c’est que la droite de Laurent Wauquiez, c’est non, que ce soit à la Métropole comme à la Ville, et je me retrouve totalement sur cette ligne. C’est non.

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Quelle posture face à LFI ?
Vous ouvrez votre future majorité au centre, à des anciens adjoints et proches de Gérard Collomb ? Son héritage est très disputé…
GD : Il n’y a pas de discussion au sens de places, mais sur le fond bien-sûr. En 2020, j’avais pris le temps de discuter avec Bernard Bochard, Thierry Philip… ces discussions continuent, pour parler de Lyon. Je discute aussi avec Michel Noir (ancien maire de Lyon), qui a des choses à dire sur la ville. Ce n’est pas parce que j’écoute que je suis d’accord, mais j’écoute et je prends le temps d’en discuter.
Une ligne rouge apparait à chaque fois : ces personnalités sont prêtes à travailler avec vous, « mais pas avec LFI ». Vous ouvrez pourtant la porte aux Insoumis…
GD : Il n’y a pas de différence entre les Insoumis et moi sur la petite enfance quand on ouvre une crèche, quand on parle éducation, rénovation des bâtiments… Regardez comment sont votées l’essentiel de nos délibérations : la très grande majorité le sont à l’unanimité. Il y a des prises de parole, des offuscations, du théâtre, mais derrière ça vote pour, ça reste l’intérêt général qui prime.
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Jean-Michel Aulas, « allié de Wauquiez »
Jean-Michel Aulas a officialisé sa candidature à la mairie, fait son premier meeting, scellé des alliances, proposé de premières mesures… Quel regard portez-vous sur son début de campagne ?
GD : Réussi car maintenant tout le monde est au courant de sa candidature.
J’en prends acte, Jean-Michel Aulas est le candidat de Laurent Wauquiez. Les alliances disent quelque chose de ce que l’on porte, et Aulas a décidé de monter dans le train de la droite à la Wauquiez. Ça a la vertu de la clarté : on sait pourquoi ils se battent et ça nous donne de l’énergie pour faire en sorte qu’elle n’arrive pas à Lyon ni à la Métropole.
Aulas candidat de la société civile ? « Une hypocrisie »
Vous accusez Jean-Michel Aulas d’être le candidat de la droite. Il est certes soutenu par LR, mais aussi par les partis du centre et il se revendique de la société civile, sans étiquette…
GD : Est-ce qu’aujourd’hui, dire qu’il est le candidat de la société civile ne serait pas une hypocrisie ? La messe est dite. Si je jette un œil à ce qu’il se passe au niveau national, je vois que depuis des mois, des années, le bloc central et la droite de plus en plus extrême sont devenus des alliés. Qui domine qui ? On voit bien que non seulement ils se considèrent dans le même arc politique, mais en plus, ils n’arrivent pas à s’entendre.

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« Jean-Michel Aulas insulte les Lyonnais »
“Échec cuisant”, “décadence absolue” : Jean-Michel Aulas a récemment eu des mots forts pour qualifier votre gestion de Lyon. Que lui répondez-vous ?
GD : Quand j’entends l’expression « décadence absolue » en parlant de Lyon, je considère que c’est une insulte qui est faite aux Lyonnaises et aux Lyonnais.
240 000 festivaliers pendant la biennale de la danse, 100 000 billets vendus pour le festival Lumière, des records de fréquentations dans nos musées cette année… Une ville « dont le rayonnement culturel et artistique est réputé partout sur la planète ». Sur le plan culturel et artistique, sur la manière dont nous faisons face avec courage aux défis du 21ᵉ siècle, où malgré le contexte national, notre économie fait plus que résister avec 30 000 créations d’entreprises l’année dernière.
Vous appelez ça de la décadence, vous ? Parler de décadence absolue, c’est insulter ceux qui font la vie culturelle lyonnaise aujourd’hui, ceux qui se lèvent le matin en voulant faire rayonner leur ville. Ils sont nombreux à vouloir donner le meilleur à leur ville. Au contraire, à Lyon, on est une ville qui rayonne, qui donne envie, qui pense d’abord au bien-être de ses habitants.
Qu’est-ce qui explique selon-vous ce décalage entre votre vision et celle de Jean-Michel Aulas ?
GD : Il faut regarder la réalité telle qu’elle est et pas telle qu’on la fantasme. Vous n’êtes pas dupes du moment dans lequel nous sommes : c’est évident qu’il y a de l’électoralisme derrière tout ça. Moi, je préfère défendre celles et ceux qui croient dans ce territoire et le font rayonner quotidiennement.
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« Pour la gratuité des transports, ils sont déjà en désaccord ! »
Craignez-vous des conflits d’intérêts de Jean-Michel Aulas avec certaines activités municipales en cas d’élection ? Certains de vos soutiens l’affirment notamment pour la Halle Tony Garnier, une salle municipale…
GD : Ce qui est certain, c’est qu’il faut qu’il soit très très très clair sur le sujet. C’est tout ce que j’ai à dire sur la question. C’est sa responsabilité de le clarifier.
Certains évoquent une « peur » de votre côté qu’il soit candidat. Parce qu’il est connu, que vous êtes impopulaire dans certains sondages, qu’il fait l’union…
GD : Moi, je n’ai pas fait l’union dans l’optique de quelque chose. Je fais l’union au quotidien. Je suis à la tête d’une majorité plurielle, j’ai fait et je fais encore quotidiennement la démonstration de ma capacité à rassembler. Non, je n’ai pas peur de la candidature de Jean-Michel Aulas. J’ai déjà dit ce que j’avais à dire sur son parcours d’entrepreneur, de patron de l’OL. Les personnes, c’est important, mais ce qui compte, c’est ce qu’on propose aux Lyonnais. Je suis à la tête de cette ville et je compte rester maire jusqu’au dernier jour de ce mandat.
Des propositions, il en a déjà de nombreuses et variées (gratuité des transports, suppression du cabinet, plan pour les familles monoparentales, référendum municipal…), que pensez-vous de ses premières idées ?
GD : Il y a des sujets importants à traiter sur lesquels la majorité actuelle est déjà mobilisée. Je ne vais pas commenter les propositions de monsieur Aulas, mais un certain nombre de sujets abordés relèvent de la Métropole. Les transports, une police métropolitaine…
Quand on est candidat à la Ville, c’est important de connaître les prérogatives d’une ville. S’il a des propositions à faire à la Métropole, qu’il les porte à la candidate de son camp : je n’ai pas entendu Véronique Sarcelli sur les sujets sur lesquels monsieur Aulas s’est exprimé pour la Métropole. Pour la gratuité des transports, ils sont déjà en désaccord, donc ça risque d’être compliqué ! C’est une reproduction de ce qu’il se passe au niveau national.
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« On n’a jamais autant recruté de policiers »
Quand allez-vous entrer officiellement en campagne ?
GD : Eh bien, vous verrez bien ! (rires) Nous sommes en priorité au travail pour les Lyonnaises et les Lyonnais, cela viendra en son temps.
Certains candidats proposent des milliers de caméras, un doublement, voire un triplement des effectifs de la police municipale, et vous accusent de ne pas avoir fait assez. Qu’en pensez-vous ?
GD : Je regarde ce qu’on a fait, on n’a jamais autant recruté de policiers municipaux que sous ce mandat : + 90 % que le précédent. On vient de franchir la barre des 300 (307 au moment où je vous parle), notre objectif reste de 365 policiers municipaux, on avance, l’ambition est posée, et je partage le constat de la nécessité qu’il y ait davantage de policiers municipaux comme nationaux dans cette ville.
On a fait une estimation du nombre qu’il nous paraissait nécessaire, car je souhaite davantage de policiers municipaux qui puissent patrouiller, intervenir quand c’est nécessaire, prévenir autant que possible… On a beaucoup l’intervention de la police municipale dans les écoles comme dans le soutien aux acteurs de l’éducation populaire. On pourra dire la même chose des dispositifs de vidéosurveillance qu’on a étendus avec 94 nouvelles caméras dans le mandat.
Propos recueillis par Nicolas Zaugra et Théo Zuili.
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