En plus de vos fonctions de première adjointe, déléguée aux finances et aux grands événements, vous avez également endossé la culture fin mai dernier. Quels ont été vos premiers chantiers ?
Audrey Hénocque : « J’ai rencontré les acteurs culturels. Ça a été ma première démarche pour les connaître, écouter leurs projets, leurs besoins. Je suis aussi beaucoup allée sur le terrain : Auditorium, Graines Électroniques, Institut Lumière, Point du Jour… et j’ai commencé les rencontres avec les partenaires cofinanceurs de nos institutions, le directeur régional des Affaires culturelles, le vice-président à la Métropole à la culture et prochainement la vice-présidente de la Région, Sophie Rotkopf.
Que répondez-vous à celles et ceux qui questionnent votre capacité à mener toutes ces missions de front ?
Déjà, c’est une question que l’on n’aurait pas forcément posée à un homme ! Ensuite, je réalise que les acteurs culturels à Lyon sont très nombreux et ont besoin de parler de leurs projets dans le détail : même une seule personne à temps plein ne peut pas voir tout le monde. On est obligés de collaborer et de travailler à plusieurs, ça permet de croiser les regards. Là-dessus, je travaille avec Emmanuel Giraud, conseiller délégué à l’Éducation artistique et culturelle. Je reste dans la continuité de ce qui a déjà été fait, qui s’inscrivait de toute façon dans un projet collectif.
Vous ne vous inscrivez pas en rupture avec la politique de Nathalie Perrin-Gilbert, qui occupait le siège avant vous ?
Non, même si on a toutes et tous nos personnalités. Je pense être dans la conscience, la bienveillance, la coopération et je peux apporter des choses différentes par rapport à une autre élue. Notre rôle est surtout de soutenir et d’accompagner les acteurs culturels et la création.
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La culture avait été sanctuarisée comme le deuxième budget de la Ville. Où en est-on aujourd’hui ?
Au-delà des chiffres il faut rappeler la volonté du maire de Lyon et de l’ensemble de son exécutif de soutenir la culture. On avait parlé de sanctuarisation pour dire qu’on ne baisserait pas ce budget, mais en réalité, il est en augmentation régulière depuis quatre ans. Aujourd’hui, il atteint 165 millions d’euros de dépenses de fonctionnement annuel, auxquels s’ajoutent des investissements importants. Dans la programmation pluriannuelle d’investissement, on compte 150 millions d’euros pour la culture. Comme les autres collectivités françaises, nous rencontrons des tensions sur nos recettes, notamment pour l’année 2025, donc l’augmentation sera proche de zéro. La culture, dans cet ensemble, va rester soutenue mais avec une augmentation uniquement dans les endroits qui en ont vraiment besoin.
En effet, le sujet a été épineux pour beaucoup d’acteurs culturels lyonnais après les baisses des subventions régionales de 2022. La Ville avait exprimé à l’époque un désaccord profond avec la politique de Laurent Wauquiez sans pour autant chercher à compenser. Comment regardez-vous les choses aujourd’hui ?
Évidemment, je déplore ces baisses de budget très fortes sur notre territoire. Ça a d’autant moins de sens que beaucoup de spectateurs et spectatrices des équipements publics ne sont pas que lyonnais. J’espère que la baisse ne va pas se poursuivre et que la Région pourra revenir à un meilleur soutien des acteurs culturels. Je rencontre Mme Rotkopf à la fin du mois de septembre et j’espère la convaincre de se tenir aux côtés des autres acteurs publics sur le financement de la culture, car elle en a besoin. Nous devons travailler ensemble et je pense vraiment à long terme sur ce sujet.
Un audit a été commandé au conservatoire il y a quelques mois en raison d’une situation interne difficile. Avez-vous eu connaissance de ses conclusions ?
Pas encore. Évidemment nous sommes préoccupés par le fait que le CRR, qui fait un travail formidable, puisse fonctionner dans un climat serein. On attend deux études qui ont été lancées, l’une sur la question du climat social et l’autre sur le fonctionnement et l’optimisation du budget. Dans les deux cas, on aura les retours en milieu d’automne.
Lyon s’apprête à accueillir une partie des œuvres du centre Pompidou le temps de sa fermeture. Il était question du musée Guimet mais finalement non, pouvez-vous nous parler de ce projet ?
On est ravis d’accueillir l’exposition du Musée Sentimental en septembre 2026. À Guimet, ce n’était pas adapté car ça aurait coûté plusieurs millions d’euros juste pour une occupation temporaire. Le bâtiment est quand même fermé depuis 2008 ! Il nécessite des travaux de fond en comble. Aujourd’hui, ce lieu n’est pas un musée, à la différence du MAC et des Beaux-Arts qui sont ravis d’accueillir les œuvres dans leurs murs et sont déjà équipés pour ça. Il y aura un lien entre les œuvres qui nous sont prêtées et nos propres œuvres. Guimet représente un travail de long terme que l’on est encore en train de définir.
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Que souhaitez-vous pour l’avenir de ce musée ?
J’y suis très attachée, tout comme je suis très attachée au patrimoine des Lyonnais. Il faut rendre aux Lyonnais et aux Lyonnaises tous ces bâtiments qui sont fermés depuis longtemps. On l’a fait très récemment pour la galerie des Terreaux mais on peut citer aussi le chalet des Gardes, la tour Bourdeix ou le bâtiment Neyret qui deviendra un tiers-lieu culturel à terme. Ça ne se fait pas si simplement, il y a des coûts très importants que l’on doit planifier dans le temps.
La situation semble parfois insoluble. Pourrait-on aller jusqu’à vendre Guimet ?
Ce sont de grands projets et on va y aller avec méthode. Il n’a jamais été question de vendre ce musée. Ça a été à un moment donné une hypothèse de travail parmi cinq ou six autres, et c’est un peu malheureux que ce soit sorti en épingle de cette manière-là.
Comment articuler politique culturelle et politique écologiste ? La culture s’adapte et fait des efforts, mais certains grands événements restent gourmands sur le plan énergétique.
Ce qui est antinomique relève surtout des déplacements des visiteurs, notamment pour les festivals. Sinon, la culture est au contraire très écologique par nature ! Il ne s’agit pas d’un acte de consommation, c’est un temps que l’on partage autour d’une création humaine. Ça fait partie de tout ce qu’on peut s’offrir sans abîmer ni les autres ni la planète. La culture est plutôt un fleuron pour faire avancer la transition écologique et la Ville de Lyon peut les accompagner.
De quelle façon ?
Lorsque l’on fait venir de loin un artiste pour la Fête des Lumières, on s’organise toujours pour le sélectionner s’il a d’autres projets sur le territoire français ou européen. Au théâtre des Célestins, les représentations sont proposées plusieurs fois d’affilée, jusqu’à dix parfois, ce qui est rare. C’est la culture qui vient à nous. D’autant que la question du dérèglement climatique interroge beaucoup les artistes. En étant une Mairie écologiste, on peut penser que c’est nous qui avons influencé les artistes, mais en réalité, ça vient vraiment d’eux. »
La Bio Express d’Audrey Hénocque
04 mars 1981 : Naissance en Nouvelle-Calédonie
Septembre 2007 : Directrice des ressources humaines du département du Rhône
2012 et 2014 : Naissance de ses deux enfants à l’hôpital de la Croix-Rousse
Juillet 2020 : Première adjointe en charge des finances et de la commande publique de la Ville de Lyon et première femme à ce poste
Mai 2024 : Élargissement de sa délégation à la culture suite au départ de Nathalie Perrin-Gilbert
Mon déjeuner avec Audrey Hénocque
La dernière fois que Tribune de Lyon a déjeuné avec Audrey Hénocque, la Covid faisait encore la une des journaux. Les restaurants ne servaient plus leurs plats qu’à emporter, forçant l’interview dans son bureau de première adjointe à l’hôtel de ville.
Trois ans et demi plus tard, elle nous rejoint dans le 7e arrondissement, à la bonne franquette, sur une table en formica du food court La Commune. Entre-temps, les responsabilités se sont accumulées sur ses épaules, d’abord le budget général, puis la Fête des Lumières et les grands événements… désormais élargis à l’ensemble de la culture lyonnaise.
En coulisses, on la dit attachée à ce que les choses filent droit, et même dure parfois. Loyale, en tout cas, aux couleurs de la mairie, jusque dans le choix de sa tenue et son refus de commander des fraises en dessert au mois de septembre. Il faut creuser un peu derrière le vernis des éléments de langage pour la connaître mieux : une fois le repas bien entamé et le micro oublié, Audrey Hénocque se met à citer les artistes qui la touchent, elle. « Je vous ai parlé de mon goût pour le rock des années 1990 ? », lance-t-elle, égrainant Morcheeba, Portishead ou les Red Hot Chili Peppers avant de virer de bord vers Angèle, Pomme, Gainsbourg ou Angélique Kidjo et l’Orchestre national de Lyon. « Je suis toujours épatée par la capacité des musiciens du classique à s’adapter à un autre répertoire », s’enthousiasme l’ancienne administratrice territoriale.
Comme un miroir de sa propre aptitude à jongler avec les chiffres autant qu’avec les soirées dans les salles obscures ? Devant des institutions culturelles combatives face aux difficultés financières et au repli sur soi des politiques de droite, et alors que le ministère de la Culture est toujours vacant, Audrey Hénocque a du pain sur la planche. Ce qui ne semble pas l’effrayer le moins du monde.
Le Cœur des Saisons
La Commune, 3 rue Pré Gaudry Lyon 7e.
— Notre repas —
Raviolis végétariens
Raviolis au chorizo
Fraises chantilly basilic
Fondant au chocolat
— L’addition —
36 €
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